If you were waiting for the opportune moment, that was it. | ft. Léviathan

Drôle d’accoutrement, mais adéquat. L’uniforme était de trop à la plage et puis, Zakarias n’avait pas vraiment le droit d’être ici, puisqu’il devrait être en cours à cette heure-ci. À la place d’écouter les barbantes morales de ses ainés quant à la dangerosité des démons, le chaos qu’il sème, la part des choses à faire, etc…  Il s’était octroyé une petite virée. Il avait besoin d’un bon bol d’air frais et puis, il a toujours préféré le terrain à la théorie.

Il n’avait pas fallu grand-chose. Juste des rumeurs de couloirs entre étudiants et le tour était joué. L’apprenti-exorciste cherchait un soi-disant monstre. Il avait troqué ses chaussures de ville pour des tongs. Son uniforme pour un short et une chemise à fleur rouge vif. Il tenait entre ses mains un verre. Inutile d’avoir une bonne perception pour comprendre ce qu’il y avait à l’intérieur. Un liquide transparent, où marinaient des feuilles de menthe et de la glace ; ce n’était pas du jus de pomme. Un véritable vacancier plutôt tape à l’œil, alors que ces braves écossais le dévisageait avec une certaine perplexité. Il était bras et jambes nus alors qu’eux, ils étaient couverts de la tête aux pieds, rafraichis par le vent.

Des amateurs.

Son téléphone portable se met à sonner et il hésite. Trois possibilités pour cet appel ; un ami, une réprimande ou un démarcheur téléphonique. Zakarias ne résiste pas à jeter un coup d’œil et en voyant le numéro s’afficher, il grimace. C’était un ami ; qui le réprimandait souvent. Donc difficile à dire si c’était une bonne ou une mauvaise chose. « Ooooh, t’es qu’un rabat-joie. J’serais rentré avant la fin des cours à l’internat. J’aurais qu’à dire que je me sentais pas très bien. […] Tu t’inquiètes trop. […] Hein ?! Tu me ferais pas ça ? […] Urgh, j’avais prévu d’aller voir quelqu’un moi, c’soir. Bon d’accord, révision… »
Il ne retient pas un profond soupir en passant devant une boutique de fruit de mer. Il était dépité, mais l’idée d’insulter cet “ami” ne lui avait même pas traversé l’esprit. Il se sent observé et presque aussitôt, il tourne la tête vers ladite boutique et siphonne une gorgée de son verre avec sa paille coincée entre ses lèvres.

« Ça donne envie tout ça. Oh j’me ferais bien un plateau là, tout de suite. J’ai la dalle… » C’est bien beau de boire, mais il faut manger. L’appel de la nourriture se faisant, il s’approche, regarde, nase autour des étales, jusqu’à rentrer pour voir s’il y avait des plateaux.

Il y en avait.
Sans tarif étudiant.
En effet le prix était trop élevé. Déjà qu’il peine à expliquer à son père qu’il dilapide l’argent qu’il lui donne et celui de la bourse étudiante dans l’alcool… L’un des deux étaient plus sain, cela dit.

Quelle boutique efficace ! À peine le pied posé dedans, le vendeur l’alpague.
Sur l’instant, il est pris de court. Zakarias ne sait pas quoi dire et il se contente de regarder de gauche à droite, puis finalement reprendre en souriant : « Salut ! Carrément, mais je n’ai pas assez sur moi. Même chez moi, en faites. La dégustation, c’est gratos ? Si non, j’peux vous proposer un truc. Un échange de bon procédé. Je goutte, je donne mon avis, je vous file quelques idées à commercialiser et on sera quitte ? » Il accompagne les gestes à la parole en ouvrant les bras, en penchant légèrement sa tête pour regarder par-dessus ses lunettes de soleil et en affichant un sourire bienveillant. L’image parfaite du crooner, à la différence qu’il n’a que vingt ans et qu’il est plus beau garçon qu’un cinquantenaire démodé.

Pour la chemise, on accorde le bénéfice du doute, cela dit.

Il appuie son argumentaire en continuant : « Allez, pour vous montrer ma bonne foi, j’vais même vous parler d’un truc. Vous connaissez le Räksmörgås ? Vous me parliez de crevette tout de suite. Eh bien figurez-vous que c’est une tartine avec des crevettes dessus. Mais ce n’est pas n’importe quelle tartine. On n’est pas sur la tartine qu’on trempe dans son café, non-non-non. La tartine en question fait la taille de l’assiette et dispose des œufs durs avec des crevettes. On alterne pour rendre sa visuellement jolie et on soupoudre d’Aneth. C’est très bon, c’est plus léger que ça en a l’air et […]. »

Abrégeons et résumons. Zakarias, bavard comme il est, continue son exposé sur les Räksmörgås en ne manquant pas de faire éloge de ses origines suédoises, de son amour pour les fruits de mer et particulièrement le saumon.
Il est si lancé dans sa tirade, que le voilà saisir une des verrines et à gouter. Il compte bien payer, bien entendu. Il a même mis son verre de Mojito à côté de la caisse, pour faire gage de bonne foi. Il jubile intérieurement. Son estomac le remercie de l’avoir nourri et il ne manque pas de pousser un cri étouffé de plaisir. « C’est trop bon. J’aurais rajouté du citron. Ou alors, c’est peut-être mon Mojito qui fait que j’en redemande, du citron. J’sais pas. Au faite, j’m’appelle Zakarias. J’cherche un monstre qui aurait été aperçu dans les parages. Un monstre marin, s’il faut le préciser. » annonce-t-il avec banalité, comme si c’était son quotidien de courir après les monstres.

Ce qui n’est pas tout à fait faux, avec du recul.
Si on considère que les démons sont des monstres. En majorité oui, mais bon. Jusqu’à maintenant, les seuls démons qu’il a côtoyés, hormis être “taquins”, n’ont pas été très terrifiants.

« Passionné, non. Pas spécialement. En revanche, j’aime bien bavarder et partager. Ma maman disait souvent qu’il ne fallait pas garder les choses pour soit et en cuisine, c’était pareil. Vous auriez vu le nombre de personne qu’elle pouvait inviter. J’ai cru que j’allais mourir piétiner. Cela dit, les gens passaient un bon moment, alors ça valait le coup de se faire bousculer. »  Zakarias n’en dit pas plus. Il s’arrête de jacasser pour dévorer la verrine, avec un peu de finesse tout de même, tout en écoutant la proposition. « Hmm … Ok ! J’aimerais des crevettes, des coquilles Saint-Jacques et une langoustine. » Il aurait bien réclamé du saumon aussi, mais il n’en voyait pas autour de lui. Ce qui était dommage, mais d’un autre côté ; c’était une boutique de fruit de mer. Le poisson, c’était celle d’à côté.
« Cool ! C’est sympa, merci. Non j’suis pas vraiment exorciste. Je suis à l’école. J’suis étudiant. Je vais à l’académie, même si ça m’ennuie plus qu’autre chose. On nous a promis de l’action, je l’attends toujours. D’ailleurs c’est bizarre que quelqu’un me le demande direct, comment vous connaissez les exorcistes ? Vous avez déjà eu à faire à eux ? »

S’il fallait rester discret, c’était loupé.
Pas totalement cela dit.

Zakarias s’était bien abstenu d’entrer dans les détails cette fois-ci. Du moins, pas immédiatement, puisqu’à la mention du monstre, il avait repris de plus belle : « Ouai. Enfin, c’est que des rumeurs pour le moment. Y’en a qui pari sur un Kraken. D’autant sur un Léviathan. Je sais juste que c’est grand, c’est gros, ça se voit de loin et ça bouffe les bateaux qui s’approchent trop près. Ah ! Et ça n’apparait que de nuit, parce que ce truc est visiblement un grand timide. »

Il se met à croiser ses bras derrière sa tête d’un air nonchalant, peu secoué par ce qu’il vient de raconter. Ce n’était pas très intéressant pour quiconque ne croyait pas en ces “conneries” de monstre et de toute évidence, il avait à faire à quelqu’un d’extrêmement casanier, qui ne sortait quasiment pas de sa cabane. « Vous ne m’embêtez pas avec vos questions. C’est juste que ça m’épate. D’habitude, les gens ne calculent même pas ce que je dis ou ce que je fais. Pas aussi vite, en tout cas ! Ça me fait plaisir quelque part de pouvoir en discuter avec quelqu’un, sans passer pour un fou ou un fantasque. À force, on s’y fait ! J’prétend pas le contraire et je suis pas en train de geindre. C’est juste que ; ça fait tout drôle quoi ! »
Ses bras retombent le long de son corps brièvement, avant que ses mains ne viennent trouver refuge dans les poches de son short. Il retourne à la caisse, reprend son verre et le sirote. « Alors ? Ce monstre gargantuesque ? Vous parliez d’amis tout à l’heure. À leur place, j’éviterais de roder tard le soir près de la plage, s’il y en a bel et bien un. »

Plus le temps passait, plus Zakarias trouvait le jeune tenancier sympathique. Inutile de dire que ce dernier venait de gagner toute la confiance de l’apprenti-exorciste, à se montrer autant attentionné à son égard. Sans doute parce qu’il tapait là où demeurait le point faible du grand dadais suédois ; à savoir le manque d’attention. Ainsi est sa faiblesse. Il ne peut pas résister à une personne qui prête attention à son confort et à ses paroles. Il y voit un substitue à l’attention paternel qui manque cruellement dans son quotidien. Lors des rares fois où celle-ci se manifeste, c’est pour le sermonner et le rabaisser plus bas que terre. En revanche, quand il s’agit de passer du temps avec lui, il n’y a plus personne. « Oh non, j’mange de tout ! Même des trucs improbables parfois, quand je somnole. Heureusement d’ailleurs, car je serais bien malheureux de ne plus pouvoir manger de fruits de mer, ha ha ! »

Il s’esclaffe, rit aux éclats de sa propre plaisanterie, avant de se calmer. Son regard cherche un endroit où s’asseoir, pas trop loin de ce gars sympathie et lorsque ce fut chose faite, la conversation avait tourné autour des exorcistes. Ce n’était pas arrivé d’un coup. Petit-à-petit, l’expression de Zakarias avait pris une teinte interloquée, méfiante, mais aussi satisfaite et curieuse. Ce n’est pas tous les jours qu’il pouvait discuter des monstres avec quelqu’un. Le revers de la médaille, c’est que cet inédit rendait le vendeur sympa suspect.
Ce n’était pas un ignorant, comme beaucoup. Il eut cela dit son explication. Elle l’avait convaincu, car c’est malheureusement chose commune dernièrement. « Ouai, enfin c’est assez récent. Ça a réouvert. Y’en avait plus, maintenant y’en a à nouveau. Justement parce qu’ils ne sont pas assez pour gérer tout le monde. J’suis désolé pour c’monsieur en tout cas. Le mieux à faire, c’est de l’aider dans son deuil, parce qu’autrement, ça fait de lui une cible facile et c’est sa vie qu’il menace. »

Même dans les heures les plus sombres, Zakarias encourage à aller de l’avant. Il faut dire qu’il n’est pas très à l’aise face au deuil. C’est un échec, une perte dans tous les sens du terme et s’il parle bien devant Levyn, il n’est pas certain de réussir à tenir un tel discours devant un homme endeuillé.

« Hm … Non. Ce n’est pas contagieux comme une maladie. » Heureusement pour son entourage, d’ailleurs. « J’sais pas comment l’expliquer. En faites, c’est plus le moral qui joue. Les émotions, les états d’âmes, tout ça. Quelque part, ça aide les gens de ne pas y croire. Ça attire moins l’attention que les exorcistes, avec qui ils sont en guerre. Après qu’il y croit ou non, une personne faible d’esprit à plus de chance d’avoir des soucis avec eux qu’une personne solide moralement. » Au moins une leçon qu’il avait écoutée. Il attend patiemment son repas, tout en battant des jambes. « Je n’ai pas peur d’eux et bientôt, ça sera même eux qui auront peur de moi. Sauf s’ils sont cools. S’ils le sont, j’suis prêt à les épargner. Ça s’fait pas d’attaquer un ennemi qui ne veut pas se battre. »

Il y avait quelque chose d’étrange dans cette affirmation. Quelque chose de carnassier se dégageait de lui, mais la façade était toujours aussi rayonnante et bienveillante. Comme si Zakarias était le soleil et sa propre ombre, la Lune.

« C’est chaud vos horaires. Vous arrivez à sortir et à vous retrouver ? Ils viennent manger ici aussi ? En tout cas, si tu restes dans ta pageote, t’as clairement toutes les chances de ton côté pour rester en sécurité. En tout cas, c’est une chouette boutique que t’as. Si monstre il y a, j’ferais mon possible pour qu’elle ne te l’explose pas avec un coup mal calculé, ha ha ! Tu vends autre chose que des fruits de mer ? Ah oui, tu peux me tutoyer aussi, en faites. Le vous, ça me rend dingue. J’ai l’impression d’avoir l’âge de mon daron. »

Vingt minute de cuisson ? Très bien ! Il pouvait attendre vingt minute. Surtout que ça promettait d’être bon et qu’il avait une très grosse faim. De temps en temps il surveille son portail, pour vérifier qu’il n’y ait pas une notification déplaisante, mais cela ne l’empêche pas de suivre la conversation. « C’est bien connu que le plus facile est de s’attaquer au plus faible. Ça vaut pour les démons, comme pour les humains. Là-dessus, je ne fais pas de différence et si on s’attardait sur les informations à la télé, on se rendrait très vite compte que les humains n’ont pas besoin de monstres ou de démons pour s’entretuer. » Il soupire ça comme une pensée qui s’est échappé. Wouah, c’est une façon de penser bien noir. Il doit rattraper le coup ! « Après j’tends à croire que les gens attaquent que lorsqu’ils ont peur ou qu’ils se sentent menacés. Donc si on ne les menace pas, techniquement, le conflit peut être évité. »

Un rire nerveux s’échappe de ses lèvres. Si seulement ça pouvait être aussi simple.
Eh puis, il était très mal placé pour promouvoir la paix, alors qu’il ne rêvait que de combats et de mort glorieuse, comme ses ancêtres.

Il se met à réfléchir un instant. Est-ce que l’humanité peut vivre en paix avec les démons ? Bonne question. Ce n’est pas une franche réussite jusqu’à maintenant, puisque ce n’est pas pour rien que l’ordre est en train de monter un véritable comité de guerre et est en état d’urgence. « Non, pas toute et j’pense que ouai, on vit déjà avec sans le savoir, justement parce qu’elles ne veulent pas de problème. J’ai peut-être même tapé la discute avec sans m’en rendre compte. Celles-ci, je suis pour à ce qu’on les laisse tranquille. »
Zakarias met fin à son verre. Il y a une moue triste qui se dessine sur son visage, comme déçu que c’est déjà terminé. Il aurait le temps d’aller en chercher un, mais un voix judicieuse dans son esprit lui murmure que ce ne serait pas raisonnable. Son état méfiant ajoute même que s’il veut rester alerte, il a tout intérêt à ne pas se souler (cette fois-ci).

« Ça me rassure alors, parce que j’ai pas un très bon modèle à suivre et de toute façon, ça m’intéresse carrément pas d’en devenir un. » C’est un compliment, qu’il entend ? En tout cas, c’est tout comme. Si bien qu’il a l’air embarrassé. Il frictionne l’arrière de son crâne avec une certaine nervosité et son sourire se fait plus nerveux.

« De toute façon, je préfère les petits établissements. On s’sent moins étouffé par la foule et c’est plus convivial. Après je n’crache pas sur les grands non plus. Genre j’aime aller en boite de nuit, au cinéma, en concert, en festival et tout. Mais on a besoin de petits établissements pour faire un break et repartir en forme. Tu n’sors jamais, alors ? Par contre ça, je n’pourrais pas. J’aurais grave envie de bouger à la longue. C’est peut-être la peur de la routine. Ça existe, askip. » C’était une pile électrique et l’ennuie le terrifiait. Presque autant que dormir. D’ailleurs, à propos de dormir ;
Zakarias parait naturellement, mais il somnole. Il a de plus en plus de mal à tenir la tête droite et ses yeux se ferment. C’est une lutte qui s’engage, alors qu’il peste intérieurement contre le verre. Soit il était trop dosé, soit son manque de sommeil est en train de subitement le rattraper en lui infligeant un bon coup de bar.

« Bien sûr que ça se tient. Admettons, je t’agresserais dans la rue. Tu réagirais comment ? Sois en te mettant sur la défensive, soit en t’enfuyant à toute allure. Là, c’est pareil. On ne peut pas reprocher à quelqu’un ou quelque chose de se mettre sur la défensive s’il ou elle est attaqué.e. »  Il accompagne la parole avec des gestes oisifs, notamment en tendant ses paumes vers le ciel en haussant les épaules, comme s’il soulevait une évidence. Un bâillement s’arrache de sa bouche et la lutte, silencieuse, continue. Il geint presque comme un gros chat mécontent d’avoir été réveillé, puis rétorque : « Bouarf, non. Ce n’est pas si compliqué. Le mien s’est débarrassé de moi en me jetant dans cet académie et depuis, plus de nouvelle. Même si c’est dégueulasse, c’est arrivé à d’autres. On est plus de six milliards d’individus sur cette planète. Ça serait con que je sois le seul clampin à qui s’est arrivé. »

Un nouveau haussement d’épaule est fait. Cette fois-ci moins pour appuyer l’évidence que le bête optimisme. Zakarias a un sourire affaibli par la tristesse en l’entendant et presque immédiatement, il lui répond : « Y’a un début à tout. Si tu veux, je t’emmènerais un soir avec moi. On a l’air d’avoir à peu près le même âge tous les deux. Puis ça fait du bien de changer d’air, de temps en temps. Peut-être pas la boite de nuit immédiatement, mais un ciné ou un fast-food, ça peut se faire. Je ne suis pas qu’un pro des recettes. J’connais les meilleurs coins du centre-ville aussi. »

C’est sûr qu’en passant plus de temps à trainer en ville que dans son dortoir à réviser, ça aide pour connaître les “place to be” d’Edimbourg.  

Cependant, alors que Levyn avait le dos tourné vers son four, il peut entendre un “boum” derrière lui. C’était Zakarias qui était tombé, mais pas parce qu’il avait perdu l’équilibre, mais parce qu’il venait de s’endormir. Le fracas avait été provoqué par sa grande carcasse venant s’adosser en catastrophe contre le mur et il avait lentement glissé sur son dos contre ce dernier, jusqu’à demeurer assis par terre.
Il avait la tête baissé de sorte qu’il n’y ait qu’une vue plongeante sur sa tignasse noire. À priori, il ne s’était pas fait mal. Il ne portait pas de traces de coups furtifs, de piqures ou même d’agression. Non-non, il venait de s’endormir net. On pouvait même l’entendre ronfler légèrement.

Il n’y avait rien d’alarmant. Son sommeil était paisible, quoi que fulgurant.
Enfin ; Pour l’instant.

Ce n’était pas un mal de s’enfuir. Parfois la situation est telle qu’il n’y pas d’autres alternatives, aussi déterminé soit-on. Il avait eu un sourire bienveillant, assurant que ce n’était pas très grave et que c’était même le plus sage, peut-être. Pour ce qui est de négliger sa douleur, Zakarias avait fait la sourde-oreille en revanche. Il était bien trop franc et fier pour admettre qu’il souffrait. Il n’était même pas certain que l’on puisse parler de douleur. Son regard enjoué ne laissait rien transparaître, mais en vérité il était bien plus souffrant que lui-même ne l’imaginait. Ces airs de grand gaillards heureux en toute circonstance cachés quelque chose et ça, un démon se faisant passer pour un humain chaleureux pouvait très facilement le savoir et comprendre.
Il n’aura pas eu le temps de répondre ou de réfléchir à la dernière remarque, puisqu’il s’était endormi net, affolant ainsi Levyn. Du moins, à priori, même si son geste était épatant. Allait-elle se manifester ? En profiter, comme elle en avait profité face à Tamamo ? Non. Pour cette fois-ci, la “Dame de Minuit” restait sage. Elle se contentait d’observer, avec un sourire cruellement attendri.

La démone qui colle au bask’ de Zakarias et qui a bien décidé d’en faire son chevalier personnel se tait et s’efforce de rester muette pour que son comparse Léviathan ne capte pas sa présence. Il était si affaibli, s’en était pathétique, pensa-t-elle dans un coin de la Géhenne.

Cela étant, elle lui ait reconnaissant de ne pas avoir tenté de trancher la gorge de son favori. Elle aurait été bien embêtée de devoir raccourcir son espérance de vie une fois de plus en intervenant. Déjà qu’elle l’avait rendu ronchon lors de sa dernière possession.

Ce qui ne voulait pas dire pour autant qu’elle allait laisser Zakarias tranquille. Oh que non. Après tout ; il s’était endormi. Il était tout à elle et la conversation avait fait germer des idées dans le monde des rêves. Ou plutôt des cauchemars. Des monstres marins, donc. D’énormes créatures tapis au fond des mers, alpaguant les pécheurs pour dévorer ou les noyer. Ou les deux.  Ces mêmes monstres se formaient et le torturaient, alors qu’il se débattait pour rejoindre la surface. Son épée runique était entre ses mains, fidèle à celle-ci même jusqu’au monde onirique. Il cherchait à découper les tentacules qui souhaitaient le saisir, mais il en repoussait toujours plus. L’une d’entre elle avait saisi sa cheville, avait broyé celle-ci même et l’entrainait par le fond.

Qu’elle est douée, Polunocnica, lorsqu’il s’agit de rendre un cauchemar plus vrai que nature. Elle sera sa sirène démoniaque, le sortant de cet horrible songe que lorsqu’il sera sur le point de se réveiller.

En attendant, elle l’endurcissait. Elle le torturait et elle le faisait suffoquer.

Ce qui était une sieste à priori tranquille se fit plus agiter. Physiquement Zakarias était en train de suffoquer pour de vrai, de chercher sa respiration et il était fiévreux. Il transpirait, pris dans une lutte où il n’avait pas l’intention de perdre.  Que cela n’en déplaise à la Dame de Minuit, mais à force de le faire baigner dans les cauchemars, il a endurci son esprit pour parvenir à sortir de ses jeux par lui-même.

C’était très étrange ce qui se passait, dans cette mer rêvée. Zakarias entendait les commentaires de Levyn, mais ils étaient lointains, vagues, floutés par le bruit des vagues et les hurlements de la bête marine. C’était un bruit de fond qui, parfois, le ramenait à la raison brièvement, car Madame reprenait immédiatement son attention. Il y était presque. Plus qu’une et …

Oui, c’est ça. Plus que quelques liens à couper.
De quoi agacer Madame qui ne pensait pas que cela se terminerait aussi vite. Serait-ce à cause de Léviathan ? C’est rageant. Elle grogne, vocifère dans son écharpe, derrière ses mains aux doigts semblables à des lames et finalement, elle ne résiste pas plus longtemps à remettre à sa place ce reptile inutile. « Tais-toi, pitoyable créature ! Tu ne vois pas qu’on est occupé ?! » Les essoufflements se sont arrêtés soudainement, comme s’ils n’avaient jamais existé et sa tête, quant à elle, c’était relevé. Les yeux grands ouverts, injectés de sang, noirs comme l’ébène et quelques fissures à la commissure de ceux-ci, comme son propre sang était devenu de l’encre et qu’il noircissait autant ses globes oculaires que les veines qui les alimentaient.

« Je te le rend après. Patiente, Léviathan. C’est l’heure de son entrainement. » grogne-t-elle, alors que les lèvres empruntés s’ouvrent à peine. La tête se rebaisse brutalement, à s’en rompre le cou et elle ne dit plus un mot. Si ce n’est qu’elle peste d’avoir craqué aussi facilement et en même temps, d’avoir loupé de lui jeter les quatre vérités à la figure. Un monstre millénaire et mythique devenu simple restaurateur … Ce ne sont pas les piques qui lui manquent, ni les mots.

Elle a autre chose à faire et elle ne voudrait pas qu’il vienne interférer davantage.
Elle a besoin de terminer ce qu’elle a commencé, avec ce petit.

Le monstre marin prend forme et petit-à-petit, la silhouette du Kraken, où plutôt de sa bouche gargantuesque, mortelle et putride se dessine. Tu as peur ? Oui. Prétendre le contraire serait idiot ou arrogant. Ou les deux. Oui, mais ce n’est pas ce qui va l’empêcher de faire des folies. Il est a pris ses aises rapidement dans l’eau, ce qui lui permet d’avoir le premier déclic vers le réveil. Ce n’est pas réel. Il ne pourrait pas jongler avec son épée avec une telle aisance et la pression des abysses lui aurait déjà broyé de part en part.
Ce n’est pas réel, donc il peut se permettre de l’impressionner. C’est son monde à lui, c’est aussi à lui de dicter les lois de la physique. Il effectue un dernier moulinet avec son épée, pour la frime avouons-le, avant de la dresser vers le bas et de plonger en y mettant tout le poids de son corps pour une attaque en piquet à la Link. Tout de même ! s’exclame-t-elle avec un mélange entre de la satisfaction et de l’impatience.

Zakarias plonge dans la bouche du Kraken et il n’y a plus d’image. Il ne l’entend même pas hurler et il ne peut s’empêcher de commenter un : « J’pourrais au moins avoir cette satisfaction… » ronchon. Un commentaire qu’il a prononcé à voix haute, sans s’en rendre compte.

Il se réveille. En sursaut. Si Levyn était prêt, alors il y a fort à parier qu’il prenne un coup de boule inopportun. Zakarias reprend une profonde inspiration, halète, réalise qu’il est à nouveau dans la cabane de fruit de mer, soupir de soulager et repose sa tête contre le mur. « Ah… Déso’, je me suis assoupi. Je n’avais pas la couverture par contre. C’est sympa. Elle est confortable, ça donnerait presque envie de retourner dormir. »  

Il n’y avait eu qu’un semblant de haussement de sourcil à la remarque de Léviathan et un sourire narquois. Elle peine à le croire, mais elle n’est pas ici pour des enfantillages ou des concours stupides. Ce n’était qu’une gêne qu’elle préférait ignorer. De toute façon, quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre puisque Zakarias a mis très vite fin à son épreuve.
L’apprenti s’était réveillé et maintenant, il est tout à fait légitime de se demander de qui il était l’élève. Dans quel camp il se trouvait, plus exactement. Pour autant, il ne semblait pas très au fait de ce qui vient de se passer. C’est comme s’il ne s’était rien passer même, car il semblait hagard et perdu. « Euh … Ah bon ? C’est pas impossible, j’ai souvent le sommeil agité. Enfin ça n’date pas d’hier, ça a toujours été comme ça. Après je vais bien. J’ai un peu mal à la tête, mais rien d’alarmant. » Sa tête un peu sur le côté. Le poids de la perplexité était visiblement trop élevé pour sa nuque, mais il s’abstient bien de dire à Levyn pour l’inquiéter davantage qu’il se sent nauséeux, poisseux et qu’il a la même sensation qu’un vilain lendemain de cuite.

Il a bien en mémoire les images du cauchemars qu’il vient de combattre.
Ce dont il ne semble pas se rappeler en revanche, c’est d’avoir laissé sa place à une autre entité, le temps où sa propre conscience était plongée dans les songes. « Nan. J’ai pas d’appart’, je suis au dortoir de l’académie et j’peux pas trop y aller quand je veux. Surtout à cette heure-ci. S’ils m’y retrouvent, j’vais me faire allumer. » Un début d’aveux ? Oui, ça en a tout l’air. Il s’était bien abstenu de dire à Levyn jusqu’à maintenant qu’à cette heure-ci, il est censé être en cours et non pas dehors. « Disons qu’à la rigueur, j’serais plus enclin à t’emprunter une douche qu’un lit. J’ai … Plus trop envie de dormir, hé hé. Mais j’vais pas abuser de ton hospitalité. En plus, t’as fait à manger. Ça ne se fait pas de ne pas faire honneur à ta cuisine. »

Surtout que : il n’a toujours rien payé.
Un éclair de lucidité qui ne manque pas de le faire pâlir, parce que si tous les services rendus jusqu’ici sont payants, l’addition risque d’être trop salée pour lui.

« Mais j’t’assure que ce n’est rien. Comment dire… Apparemment, je manque de sommeil donc parfois, mon corps me dit “dors”. Il ne me demande pas mon avis et il s’éteint. C’était déjà comme ça quand j’étais tout petit. Ça s’est calmé pendant un temps, mais j’pense que le dépaysement a fait que ça revient. » Le dépaysement, ouai. Disons plutôt l’absence d’un exorciste confirmé perpétuellement à côté de lui. Elle doit probablement ricaner dans son coin, trouvant cette explication mignonne, quelque part.
Zakarias tente de se relever, mais il n’a pas encore totalement retrouvé les rênes. Il met ça sur le coup du réveil et de la fatigue, sans réellement se poser de plus ample question et il attend un peu, avant de retenter une remise à pied. Elle réussit à la deuxième tentative et il se met à replier grossièrement la couverture pour la tendre à Levyn. « En revanche, j’ai toujours aussi faim, ha ha ! »

Zakarias se frottait l’arrière du crâne et regardait derrière lui. « Ouai. Peut-être. » Il n’avait pas l’air très convaincu, parce qu’il lui paraissait loin le comptoir. Sauf s’il s’est fait trainer par Levyn, mais sans offense pour lui, il n’avait pas l’air très costaud. Il ne voit pas trop comment il aurait pu faire. Il n’avait pas trop envie de se prendre la tête avec ça, surtout qu’elle était endolorie. C’est peut-être cliché, mais plus il y réfléchissait, plus ça lui tapait dans le crâne et plus ça relançait sa migraine. Donc il avait plutôt envie de clôturer le sujet que de s’étaler dessus.
« Euh … Baaaah … J’vais improviser. Là sur le coup, je n’sais pas trop. J’dormirais dehors, au pire des cas. Ou alors, je resterais plus longtemps chez toi et tu vas t’ennuyer, ha ha ! Enfin si, si je me rendors comme ça, mais ça dure rarement plus d’une heure. » Ça ressemble plus à des petites siestes forcées qu’à des nuits complètes. C’est aussi la cause du problème. Il est incapable de passer une bonne nuit de sommeil complète, justement à cause de ces fameux cauchemars.

« T’es vachement prévoyant ! J’ai hâte de gouter ! » Tellement hâte qu’une fois la couverture remise, il s’était à une table et il patientait. Il avait un peu de mal à tenir en place, à cause de l’impatience et il continuait d’écouter son nouvel ami. « Ah. Euh ouai, c’était un cauchemars. J’en fais tout le temps. C’est pour ça que mon cycle de sommeil ne vole pas haut et que je t’ai demandé une douche, parce que ça ne me fout jamais au meilleur de ma forme. Ce qui est rigolo, c’est qu’il y a qu’en cours où j’arrive à dormir sans en faire. À croire que la présence de mes prof’s est apaisante, haha ! » Ou dissuasive. Polunocnica n’est pas suffisamment folle pour venir secouer ses songes, alors qu’un exorciste confirmé se trouve dans la même pièce, accompagné de plein d’autres futurs exorcistes.

Elle n’est pas folle et encore moins suicidaire !

Le plat a été servi sur la table et Zakarias a des étoiles dans les yeux, rien qu’en voyant la tête que ça avait. Son ventre se mit à manifester son impatience avec un gros gargouillis et lui qui voulait faire honneur à sa cuisine, il ne fit pas prier pour plonger sa fourchette dedans. « Ch’est trop bon ! T’as mis quoi dedans ? Y’as pas que du citron et des fruits de mer, je me trompe ? Tu n’manges pas, toi ? »

C’est vrai, quoi. C’est un peu dommage de se casser le fion à cuisiner, pour ne pas en profiter un minimum. Si bien que l’apprenti-exorciste se fait insistant. Il lui désigne une chaise, lui faire de s’asseoir et il partage ce plat. De toute façon, Levyn n’a pas rouvert la boutique depuis qu’il est réveillé. Donc ils ont le temps d’en profiter pour se régaler, sans risquer d’être dérangé par des curieux. Ils peuvent bien attendre une petite demi-heure, voir une heure.
« On parlait de balade nocturne, j’crois. Non ? Un cinéma, ça te dit ? T’aimes regarder quoi comme film ? Quoi qu’un ciné’, ça risque d’être… Bouarf, non. » Bizarre ? Sujet à des rumeurs s’il croise d’autres élèves de l’académie ? Oui. Entre autres. Mais Zakarias n’a pas vraiment envie de s’en préoccuper et puis, ça leur fera des choses à raconter à leurs amis respectifs, donc ce n’est pas si grave en somme.

Zakarias plaisantait, lorsqu’il disait qu’il allait rester plus longtemps chez Levyn. Il n’avait pas calculé le fait que ; eh bien, qu’il soit pris au sérieux. De quoi épater le jeune homme, qui dévisageait non sans une pointe de gêne son hôte, n’ayant pas pour plaisir de s’inviter chez les autres. Surtout lorsqu’il vient de les rencontrer. « Oh. Bah écoutes ; j’vais pas refuser maintenant, c’est sympa de ta part. J’suis pas hyper à l’aise à l’idée de squatter chez quelqu’un, mais tant qu’il y a un accord, ça passe j’dirais. » Levyn pouvait sentir que Zakarias était ; comment dire ?
Il avait de la suite dans les idées et une imagination débordante. Disons plutôt qu’il était en train de se faire des films, plus ou moins romancés et que c’était pour cette raison qu’il était subitement mal à l’aise. Sans doute parce qu’il a trop regardé de série sur son téléphone à la con et qu’il transpose trop rapidement ces clichés niais à ce qui est en train de se passer. « Après techniquement, j’peux retourner dans mon dortoir d’ici … » Pause. Le temps de jeter un rapide coup d’œil sur son téléphone. « Trois-quatre heures, à peu près. Si j’peux pas y aller, c’est surtout parce que l’accès est fermé à cette heure-ci. Si je veux retrouver mon lit, je vais devoir tuer le temps ou me faufiler discrètement en cours. »

Zakarias a déjà oublié qu’en vérité, il a assuré à un ami qu’il réviserait ce soir.
Une raison supplémentaire pour se faire tirer les oreilles ou balancer auprès des surveillants. « Ce n’est pas si inconfortable que ça. Suffit de bien caler sa tête et d’avoir un bureau à bonne hauteur. Le must, ça reste quand j’arrive à avoir un bureau près d’un mur. J’ai même plus besoin de me plier en deux. »

Il pourrait tergiverser longtemps sur quelle position choisir.
Pour dormir en classe et non autre chose.

Cependant, le repas préparé par Levyn a coupé court à toutes ses réflexions et il préfère se régaler. Il n’aime pas manger tout seul, alors c’est à peine s’il a entendu la défense du cuisinier. Il n’a pas tardé à partager son assiette en affichant un grand sourire ravi et à rire de son étonnement. « Pourquoi pas. En plus, si tu aimes l’action, le nouveau Revenger est sorti. T’sais la “série” de film avec des super-héros ? C’est pas dramatique du tout et y’a de l’action. Y’a même de l’humour parfois. L’un des héros principales me fait trop rire, avec son flegmatisme et ses petites piques bien placés. C’est un gros frimeur, mais quand tu vois ce qu’il est capable de faire, tu t’dis que sa frime est leggit. »

Le repos, c’est pour les faibles ! Zakarias n’y songe même plus et à faire son synopsis pour donner envie à Levyn d’aller au cinéma, il s’est lui-même motivé à aller voir ce film.

Les propos de Levyn auraient dû le rassurer, mais ce n’est pas ce qui semble se passer. Zakarias met du temps à se décider, jusqu’à ce qu’il se remémore que c’est lui qui a insisté, à la base. Même si c’était motivé par la plaisanterie. Donc techniquement, il s’est piégé tout seul et il n’a pas à rejeter la faute sur qui que ce soit. « Ah non-non, le canap’ ça me va très bien. C’est même très confortable par rapport à d’autres endroits où j’ai dormi. Une fois, j’ai même dormi dans une baignoire, parce qu’il n’y avait plus de place autres parts, c’est pour dire ! » Il se remet à rire devant ses aveux, force est de constater que c’était vraiment bizarre, comme lit. Surtout que ça lui permet d’évacuer la nervosité en même temps, alors c’est tout bénéfique pour lui.
« Aller c’est d’accord. J’préfère un toit que dehors, quand même. » C’est mieux pour sa dignité tout de même. Il ne tient pas à passer pour un clochard sur son banc. Surtout qu’il n’est pas à l’abri que d’autres élèves le voient pendant qu’il dort et se mettent à colporter des rumeurs dégradantes à son sujet.

Zakarias avait fini son assiette et il s’était régalé. Il ne manque pas de le faire savoir en soupirant d’aise, de manière forte peu discrète et avec un sourire béat. Il serait presque tenté d’en redemander, mais il n’allait pas abuser des bonnes choses. Sans quoi, elles perdent leur saveur et ce petit gout très satisfaisant qui les rendent exceptionnellement gratifiantes.

« Ouaip ! C’est parce que je fais beaucoup de sport à côté. Ça évite de rouiller. De la gymnastique, de la musculation, du volley, de la course, de la natation. J’ai même réussi à trouver et m’inscrire à un club de Kendo. C’est moins facile à trouver qu’un club d’escrime, mais je n’aime pas trop l’escrime. J’trouve que c’est trop péteux. Ça manque de … Comment dire… Disons que tu passes plus de temps à dévisager l’autres dans le blanc des yeux et à frimer pour rien qu’à taper, quoi. »
Alors que l’art des samouraïs, c’est tout de suite plus prenant. Il y a des mouvements, des techniques, des coups fatals et toute une histoire riche derrière cette pratique. Même si en soit, ce que Zakarias ne sait pas, c’est que le Kendo est l’équivalent de l’Escrime au Japon. La seule véritable différence est que ce n’est pas avec une rapière, mais avec un sabre.

Enfin !
Il n’allait pas empêcher Levyn de mener à bien sa commande. Surtout qu’il s’était plus imposé qu’autres choses dans la journée du tenancier. Ce qui lui faisait penser d’ailleurs … « Ah oui ! Faudrait peut-être que je te paye pour le repas ! » Il se met à farfouiller dans les poches de son short pour trouver son portefeuille et il sort une carte bleue. « Tu prends les CB ? Parce que je n’ai pas d’espèces sur moi. » Jamais et ce n’est pas une bonne habitude prise, car il se fait souvent avoir face aux commerçants qui ne l’acceptent pas.

Woah ! Ils viennent à peine de se rencontrer et il lui confie déjà les clés de son appartement. Est-ce que c’est un signe de confiance ? En tout cas, c’est ainsi que le prend Zakarias et il le prend même très bien. « Sacrée responsabilité que tu me confies là, mais c’est d’accord ! Il faudra juste que tu me montres où est ladite boite aux lettres. Ça serait dommage que je les mette chez celle du voisin, ha ha ! » Il en serait capable. C’est peut-être ça le plus inquiétant, avec du recul.

Enfin !

L’important, c’est qu’il avait bien mangé et bientôt, il allait même pouvoir se targuer de passer une bonne soirée, loin de ces révisions que son camarade de chambre lui avait promises. Sauf si Levyn s’avère être un professeur de l’académie déguisé en marchand de crevette. Un cinéma, un canapé et une collocation temporaire pour le moins imprévue. Un léger d’aventure s’installe, sans doute à cause de l’improvisation et ce n’est pas pour déplaire à l’apprenti-exorciste, qui fuyait l’académie le plus souvent possible, justement à cause du train-train quotidien et de l’ennui qu’il provoque.
Zakarias se permet d’aider Levyn à la vaisselle, en lui apportant ce qui doit être lavé et en faisant le tour de la bicoque pour voir si rien ne trainait. Il avait demandé un chiffon propre pour essuyer ladite vaisselle, motivé par l’empressement d’aller en centre-ville. « Heureusement. J’trouve que c’est mieux, parce que les journées sont longues quant on reste assis à ne rien faire. Ça n’fait pas de mal de temps-en-temps, j’prétend pas le contraire ! Ça permet de se reposer aussi. Mais je préfère quand mes journées sont bien remplies. J’trouve que ça donne une sensation agréable au couché, la rétrospective de tout ce qui a été fait dans la journée. C’est satisfaisant. »  

Tout en continuant de lui faire la conversation, Zakarias n’avait pas oublié de payer. Il a secrètement espéré une petite ristourne pour avoir remonté les manches, mais c’est peut-être déjà le cas ! Sans trainer ni rechigner, il paye donc avec sa carte et devient subitement silencieux lorsque l’autre entre pour prendre sa commande. Il le dévisage avec une sensation de déjà vu, mais ne s’attarde pas plus que ça. Peut-être parce qu’il l’a déjà croisé dans un bar ou une boite de nuit, c’est tout.

Une fois ce dernier reparti, ils étaient libres !
« Let’s go ! » Zakarias sort de la cabane et ; il a les mains vides. Pour rappel, il était rentré avec un verre à la main. Il a donc probablement fait cadeau à Levyn d’un nouveau verre, bien que ce dernier détonnera dans sa collection par sa singularité. À moins que Zakarias revienne trois fois d’affilées et oublie son verre tout autant de fois pour qu’il ait un set complet. L’écuyer guide Levyn à travers le dédale urbain de la ville et chose marquante, il ne semble pas du tout perdu. Il emprunte des rues peu fréquentés, car peu populaires, trouvent les bonnes lignes de bus et semble avoir un plan d’Edimbourg constamment dans la tête. Si bien qu’il leur faut moins de dix minutes pour atteindre le centre-ville en alternant la marche à pied et le bus.

Le look de Zakarias n’étant plus trop approprié, il amuse autant qu’il étonne. Quelques-uns font des messes-basses, mais il n’a pas l’air de les entendre. Ou du moins, il n’y prête pas attention.

« On est en avance. Le ciné’ est par là. On a quoi … Même pas deux minutes à pied. La séance commence à 18h, j’peux te proposer d’aller voir quelques magasins en attendant. C’est quoi qui te branche, hormis les fruits de mer ? Musique, jeux vidéo, mode, art, jeux de société ? On peut aller boire un verre aussi, si tu veux. J’connais un bar à thème pas trop mal. Ça fait un peu vieille auberge médiéval et ce sont des spécialistes de la bière. » C’est Levyn l’invité d’honneur, c’est lui qui décide de la route à suivre.